Entrainement matinal

Je m'étais levé à l'aube, car je voulais commencé l'entrainement de Nuage de Charbon. Et puis j'aimais voir le lever du soleil sur les Collines dans la partie nord du territoire. Je m'étais donc rendue dans la tanière des apprentis très tôt, et l'avais secoué fort avant qu'il accepte de me suivre. Ce jeune chaton avait un caractère très renfrogné. Il fallait savoir le dompter, mais je trouverais bien un moyen de lui donner gout à l'apprentissage.

- Donc, c'est quoi le programme, lâcha t il d'un coup, impatient.

*Ca commence bien.* Allez, autant positiver. J'avais prévu de le réveiller avec une séance d'art martial. Le combat, les mâles adoraient ça, plus que la chasse, j'espérais donc que ça le motiverais un peu. Il ne fallait pas perdre patiente avec ce genre de chaton agacer et agaçant. Une petite brise vint caresser ma fourrure gris perle. Je lui adressais un sourire avant de lui expliquer le programme :

- Alors, je vais t'apprendre les bases du combat. Essaie déjà de m'attaquer de face. Sans les griffes n'oublie pas.

J'avais la désagréable impression de parler dans le vide. En plus d'être agaçant et impatient, il était dissipé. *Ca promet, pensais je en un soupir* Il me fixait néanmoins, d'après moi en train d'évaluer comment me sauter dessus. Il savait au moins qu'il fallait réfléchir avant de s'exécuter. Puis, il me lança un petit signal qui me permit de savoir qu'il allait bondir :

- Très bien, c'est parti ! Commença t-il en me bondissant dessus sans me laisser le temps de réfléchir tout de même.

Je vis sa petite masse de poils noires se soulever vers le ciel pour venir retomber sous mon nez, à portée de patte. J'allais lui porter un faux coups de crocs lorsqu'il roula sur le côté, avant de se relever en catastrophe et de courir plutôt lentement. Je souris, amuser, car lui courait à s'en étouffer tandis que moi je bougeais à peine mon corps.

Mais ce dernier coup, je ne le vis pas venir. Il freina d'un coup pour bondir derrière moi, a ma très grande surprise, planta ses griffes dans le sol herbeux pour me surprendre en faisant volte face et venir plonger sur mon dos. Je ne pus retenir le feulement qui s'échappa de ma gueule, plus terrible que jamais.

- Mais qu'est qu'il te prend ?! M'emportais-je. Lâche moi immédiatement !

Il relâcha la pression qui le suspendait à mon dos, et tomba lourdement sur ses pattes. Je sentais la colère monter en moi à une vitesse fulgurante pour venir m'échauffer les oreilles. Je me retins de lui hurler dessus. Il avait pratiquement braver le code du guerrier. Jamais de griffes lors d'un entraînement, encore moins contre son mentor.

Je lui lançais un regard noir. Il ne baissa pas les yeux pour autant. Nuage de Charbon, l'un des seuls apprentis du clan. Nous étions affamés, la Meute de la Mort ne nous ménageait pas, et il me fallait un fardeau de plus pour aider Etoile de Lynx. Je respirais un bon coup et tentait de lui expliquer d'une voix calme mais strict :

- Pourquoi as tu fait ça ? C'est normal que tu n'y arrives pas du premier coup. Mais ce n'est pas une raison pour enfreindre le code du guerrier. Nous avons des lunes et des lunes d'écart, j'ai beaucoup plus d'entraînement et d'expérience que toi, c'est normal également que je me fatigue moins que toi.

Sa queue battait l'air, et dans son regard perçait l'agacement. En ayant l'habitude de chercher les sentiments au plus profond de chaque être, je perçu un peu de honte au fond de lui, presque imperceptible, ce qui me redonna espoir. Je le sentais trépigner littéralement sur place, je sentais bien qu'il avait besoin d'être seul. Je le compris encore plus lorsqu'il me dit :

- Je suis fatigué je vais boire un coup.

J'avais envie de le retenir, de le suivre, de peur qu'il se perde, mais ce que je ne voulais pas admettre, c'est que la pensée qui me tourmentait, c'est qu'il voulait s'enfuir, mais je tentais vainement de la refouler, de me rassurer, de me dire qu'il n'était pas comme ça. Je suivais sa silhouette du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse, avalée par l'ombre des arbres.

Presque instinctivement, je me mis à marcher dans sa direction, ayant une certaine inquiétude envers lui, mais au fond je voulais surtout m'assurer que ma pensée était fausse, que je me trompais, et peut être l'empêcher de faire une grosse bêtise. Discrètement, je me faufilais dans la foret silencieuse. Je repérais sa petite taille noire de jais penché sur une flaque, lapant l'eau claire.

Puis c'est alors que mes yeux s'écarquillèrent d'étonnement et de stupéfaction. Une tache orange se dissimulait derrière un buisson, invisible aux yeux de l'apprenti. Je n'eus pas le temps d'hurler, j'agis. Sans même le prévenir, je sautais sur le côté et prenais le renard à revers, le surprenant à mon tour, lui griffant le flanc de toutes mes forces. Je réussis tout de même à crier :

- Va t'en ! Sauve toi !

- Mince, mine, mine, l'entendis je murmurer.

Nuage de Charbon se cabra sur ses mots, mais ne bougea pas d'un pousse. Mais maintenant que le renard s'était remis de la surprise que je lui avait provoqué, il m'avait mis en mauvaise posture, mais curieusement, il s'était mordre la patte sans presque un hurlement. Cela m'avait mis la puce a l'oreille, mais je ne m'en étais pas préoccupée. Mais il en a profité pour retourner la situation, car d'une torsion de la hanche, il me plaqua au sol.

Je n'eus pas le temps de riposter, car la gueule de la bête rousse se referma sur mon cou. Je laissais échapper une cri de douleur étouffé. Je n'avais d'ailleurs pas remarqué que mon apprenti avait sauté sur le dos du renard, mais à ma plus grande déception, il se fit projeter contre un arbre comme une vulgaire mouche. A ma grande stupeur, le renard me lâcha pour se diriger vers le chaton noir.

Je me relevais péniblement, et eut à peine le temps d'apercevoir sa queue foncé disparaître entre les branches basses. Je profitais de l'occasion : le renard n'ayant pas une détente assez importante pour atteindre son expérience, je tentais d'ignorer la douleur qui me coupais la respiration et ne lui laissais pas le temps de ratterrir que je lui plantais de toutes mes forces mes griffes dans son dos.

- Tu .. Ne crois quand même pas .. Que j'allais te laisser le beau rôle ? Si je me fais sauver .. Par une guerrière ramollie dans ton genre .. Ce serait vraiment trop la honte !

Un sourire se forma sur mes lèvres, presque moqueur, mais il s'effaça soudainement car, le souffle coupé, cloué au sol, je regardais, impuissante, le féroce animal se hissé sur la première branche .. *Non, pensais je, au désespoir* Mais, heureusement pour nous, le temps que je me lève et tienne sur mes pattes, un craquement retentit, puis un autre.

La branche, dans un craquement sinistre, se brisa sous mes yeux ébahis, entraînant dans sa chute le renard comme le chaton. Je laissais échapper un râle d'horreur mêler de douleur. Inconscient l'un comme l'autre, je me ruais vers mon apprenti, incapable de refouler la boule qui se logeais dans la gorge.

Je le secouais, le retournais, lui donnais ls coups de pattes, des coups de langues, mais rien a faire, ses yeux restaient clos et sa respiration saccadée de convulsions inquiétantes. La terreur ne faisait qu'aggraver la douleur qui me faisait plier en deux. Puis, sa patte avant gauche bougea, faiblement.

Un relent d'espoir monta en moi. Il était encore en vie. Sans attendre une seconde de plus, ni laisser le temps au renard de reprendre conscience, je prenais l'apprenti par la peau du cou, e commençais à le trainer hors de la forêt. Mais pour un renard, celui ci était discret. Le premier réflexe que j'eus fut de me retourner et de lâcher le chaton en hurlant de nouveau :

- Sauve toi, et pour de bon !

Cela ne lui suffisait donc pas de me déchiqueter le cou, non, il fallait encore qu'il m'arrache la moitié de ma queue. La rage remplaça rapidement la douleur et la peur, et d'un coup de patte violent, je lui arrachais une oreille. Dans mon euphorie, j'eus le temps de jeter de voir par malchance que Nuage de Charbon n'avait pas bougé d'un pouce, allongé sur le sol.

Les blessures s'accumulaient chez mon adversaire tout comme chez moi. Tout mon corps me faisait souffrir à chaque mouvement, et devait serrer les dents pour ne pas hurler et me concentrer sur ma cible. Lorsque je tournais la tête pour jeter un coup d'oeil à Nuage de Charbon, je le vis en train d'ouvrir les paupières et en m'apercevant, il tenta de se relever rapidement, mais il retomba lourdement sur le sol. Il était encore trop faible, et sa patte avant gauche me paraissait anormalement tordue.

Puis, il reprit son souffle et re tenta l'expérience, et cette fois ci il tint bon, mais je ne pus voir la suite des événements car mon ennemi venait de m'asséner un coup de patte fulgurant dans les côtés, ce qui me coupa la respiration pendant quelques secondes. Mais je fus aussitôt déconcentrée par une détonation que je ne connaissais que trop bien. Le renard ainsi que mon apprenti sursautèrent tout autant que moi lorsque l'écho se répercuta contre les arbres. Le Bipède en question ne devait pas être bien loin.

Comme par enchantement, l'animal roux glapit de terreur, et sans crier gare, détala en direction des taillis et disparu, courant à toute vitesse, comme traumatisé. Je ne pus m'empêcher de sourire, avant de revenir à la réalité, lorsque je reposais mes pattes avant par terre car je m'étais cabrée. Grimaçant de douleur, je jetais un regard vers le chaton noir qui me regardait toujours, et vint se trainer sur trois pattes jusqu'à moi. Tentant encore de me réconforter en me disant que tout cela était terminé, il me demanda :

- Perle de Lune... Sa voix était cassée, presque imperceptible. Est ce que je dois aller chercher de l'aide ?

Je n'eus pas le force de lui répondre. Je fis seulement un bref signe de la tête, affirmatif. Je ne me sentais pas capable de ne faire qu'un pas. Ma vision, était floue, se brouillait, un mal de tête vint s'imposer sur mon front, tendit que ton mon corps m'élançait a ne plus pouvoir respirer. Alors que je jetais un dernier regard suppliant à Nuage de Charbon, mes pattes se dérobèrent sous mon poids, et je m'écroulais sur le sol tandis que mes paupières se fermait sur le noir et le néant, dans un gémissement de douleur.