Une trêve ou un second massacre ?

Do you excuse me for upsetting you ?

[i]Je sortais du camp en trottant durement.
J'avais besoin de prendre l'air, avec toutes ces plaies...
Quand je pense que la mort aurait pu m'emporter. A cause de ça, je devais inventer des prétextes comme quoi un blaireau vivait sur les Terres du Clan de l'Ombre.
Je me déplaçais faiblement, donnant pitié à ceux qui me regardaient. Je grognais d’agacement quand ils s'approchaient. Je partis plus loin dans les marécages...

Au loin j'aperçus une silhouette noire, sombre et fière. Je savais qui c'était. Mais je l'ignora, continuant mon chemin sur l'herbe morte. Si c'était pour me faire tuer une seconde fois, alors ça n'en valait pas la peine. Elle m'en voulait sûrement parce que je l'aimais... Mais aujourd'hui, je pense ne pas aller la voir. Je risquais de la déranger, à coup sûr. Ou pire, si elle me déchire la fourrure, je n'aurais plus aucun prétextes pour la sauver du Clan de l'Ombre. A l'instant, je me ramassa par terre...

Satané lapin... Si je n'étais pas blessé comme ça, je t'aurais déjà tuer. Déclarais-je dans un ton froid et dur.

Toujours à terre, je tenta de me relever, souffrant le martyre. Je réussis donc, mais difficilement... Je poussa un cri des plus sombres. Soudainement, je sentis un parfum familier. Derrière moi, je savais qu'elle était là...

Tu veux terminer ta tâche, n'est-ce pas ? disais-je sèchement.

La buée, enfant de la chaleur et du froid. Les larmes, filles de l'amour et de la haine.

Douceur d'un Soir se tenait là, à son poste. Elle avait dit à Cœur de Sang qu'elle avait tué un ombreux ; qui, cela elle n'était point censée le savoir. Un mercenaire ne s'occupe pas des affaires du patron ; il obéit et se tait. Le problème, c'est que la chatte tokinoise n'était pas du genre à ne pas farfouiller. Elle était curieuse, elle était intelligente. Elle ne voulait pas être un pantin. Elle voulait se révolter. Elle n'attendait que la bonne occasion pour le faire.

La cheftaine, idiote qu'elle était, l'avait renvoyé sur les territoires du Clan de l'Ombre en lui ordonnant d'empoisonner toutes les flaques d'eau. C'était donc pour cela que la femelle avait commencé son inspection au Charnier, histoire de trouver un poison, comme un rat pourri. Sans s'infecter soi-même, évidemment. Chose peu simple, à vrai dire. Soudain, un doute saisit le bourreau mortel : la meneuse désirait-elle se débarrasser vite fait bien fait d'elle ? La féline ne s'interrogea que quelques secondes ; elle savait très bien que Cœur de Sang n'aimait pas ses sujets, mais tuer un de ses meilleurs éléments était stupide ; il était évident que la chatte noir d'encre n'avait pas ce but en tête.

Revenant à sa tâche, Douceur d'un Soir entendit des craquements. Aux aguets, elle se retourna : sa vision faillit l'étouffer. Outre-Tombe était là, devant elle, en chair et en os ! Comment avait-il survécu, elle n'en savait rien ; les cicatrices du combat injuste qu'elle lui avait livré marquaient encore son corps faible ; si elle désirait l'achever, il fallait qu'elle le fasse maintenant. Il était de dos et ne semblait pas avoir remarqué sa présence... Le vent jouerait-il en sa faveur ?

- Tu veux terminer ta tâche, n'est-ce pas ?

Sa voix sèche avait claqué dans l'air ; pleine d'amertume, elle lacéra l'âme de la jeune chatte. Elle aurait mille fois préféré qu'il le dise d'un ton neutre et imperceptible ; elle n'aurait pas eu cette vague de remords. Le fait qu'il éprouve tant d'émotions contradictoires lui serrait le coeur. On peut détruire un robot, mais pas un être jouissant des sentiments les plus primitifs soit-ils.

Tentant de cacher ses émotions, Douceur d'un Soir répliqua d'un ton monocorde :

- Pourquoi la laisser inachevée ?